Retour de flamiche

Ce jour là Miss Miller couru chez moi m'avertir de l'état critique d'un de mes malades. J’étais attablé dans ma chambrette d’auberge devant une de ces tartes aux poireaux qu'une dame - réfugiée Belge - me faisait apporter régulièrement depuis que j'avais sauvé la vie de son enfant.
« Eating leeks makes you shrewd” me dit-elle. “Comment dit-on leek en français au fait?
« Poireau, traduisis-je. Le poireau rend donc perspicace ? … »
Le lendemain elle me montra le manuscrit d’un roman à énigme qu’elle était en train de composer pour amuser sa sœur. A l'hôpital la présence de réfugiés Belges parmi nos malades lui avait inspiré la nationalité de son héros détective Hercule Poirot dont le patronyme devait être dans son esprit une référence transparente au totem celtique de la perspicacité. Je lui fit remarquer que l’orthographe n’était pas la bonne. «Oh, My gosh !… anyway I don’t mind, it’s a surname, isn’t it ?”
Si, au lieu de romans policiers elle avait voulu écrire des romans sentimentaux, pour avoir le rendu d’un homme aimable sous tout rapport elle eut nommé son personnage Hercule Caroth.
Libellés : Agatha Christie