06 mai 2006

Littérature

NOTE DE LECTURE :

La langue suivi de Mal placé, déplacé , Olivier Rolin (Verdier, juin 2000).



Rien fracassant mais ça peut mettre la puce à l’oreille de qui n’a pas encore pris conscience des enjeux du " littéraire ". Mal placé, déplacé, voilà l’écrivain ; un être sans lieu ; perpétuel étranger au lieu commun. " Le premier ennemi de la littérature se nomme, et ceci dans beaucoup de langues, de celles en tout cas dont j’ai quelque connaissance, lieu commun, commonplace, lugar comùn, luogo comune, obchtchié mista : expressions dans lesquelles je vous invite à une façon qu’ont les langues de dire que la littérature est essentiellement sans feu ni lieu, qu’elle répugne à ce qui prétend l’enclore dans la prison d’une place. Songeons d’ailleurs aux connotations serviles du mot " place " : de qui disait-on, autrefois, qu’il était " placé ", sinon d’un domestique ? Veut-on de la littérature domestique ? " (p. 78).
Cette citation est tirée du bref essai qui suit La langue. Ce dernier récit est constitué par un dialogue au cour duquel une serveuse de bar et un client de passage échangent des paroles par lesquelles ils essayent d’échapper " à la monotonie, à la répétition à la tyrannie du stéréotype ". Bref, ils disent un peu n’importe quoi. Mais pas pour ne rien dire. Il y aurait une portée politique au propos général de l'ouvrage puisque l’auteur avoue avoir conçu son livre comme "un programme, [il ose] presque le dire, politique… ". En effet les deux personnages dialoguent sur un fond sonore principalement occupé par la télévision dont le bavardage mécanique (transcrit de manière comique par Olivier Rolin) se présente comme une sorte de prosopopée du lieu commun, justement. On sent bien que Rolin n’aime pas la télé ou la radio. Mais il la regarde, ou l’écoute quand même car ce qu’il en tire est bien vu.
A la fin du dialogue survient un dénommé Grumeau dont on avait entendu le nom dans la voix de la télévision. Le Grumeau, c’est le conglomérat de tout les stéréotypes langagiers de la télévision ; et cela donne une sorte de Bidochon à la Rolin. Grumeau se présente à ces interlocuteurs comme étant inspecteur à la brigade de la langue ; son boulot reformater la langue, " la remettre à plat pour la restructurer autour d’images porteuses ". " En deux mot la gérer, quoi ". Cette caricature est l’expression d’un mouvement de haine envers les nouveaux pouvoirs ; Big Brother grammairien à TF1 inventant la Novlangue. Et nos deux personnages n’ont plus qu’a fuir dans un joyeux délire verbal où leurs voix se mêlent dans une sorte de copulation métaphorique.
Ce bouquin ne m’a pas emporté et le commenter excèderait mes capacités. Un livre de plus pour justifier l’existence des écrivains.

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Sur un papier volant trouvé dans un vieux livre (La Beauté invisible, Maurice Magre, Fasquelle éditeur, 1937 (Bibliothèque Charpentier)) ce petit mot manuscrit :

5-7-42
Melle
[illisible - peut-être Simone]. Je suppose et souhaite que mes livres vous apportent confirmation dans votre vie intérieure.
- Vous pouvez les garder le temps qu’il vous plaira, pour que vous puissiez en extraire ce qu’il y a de meilleur.
- Je crois que vous possédez depuis longtemps déjà la joyeuse sérénité de conscience qui suit et accompagne vos occupations journalières et que votre âme brille d’une lumière interdite au vulgaire.
Avec ma sympathie
[illisible]

Voici maintenant l’incipit de la préface que Maurice Magre écrivit pour le livre dans lequel j’ai trouvé ce mot : « Je ne sais pas s’il y a des hommes qui échappent au désespoir et s’il y en a, je crois qu’ils sont peu nombreux. Je n’envie pas ces hommes. »

***

"Faites-vous spirales transmettez l'énigme aux générations." (Philippe Sollers, H. - Seuil, 1973).
Philippe Sollers, une sorte de grand vortex de mots aspirés par un vide central ayant pour nom Philippe Joyaux.
***
Se méfier de la littérature ; elle tend à asservir l'esprit en une espèce de gaz d'éclairage pour salons bourgeois.

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