21 mai 2007

« Trouvez la tasse à café qui manque et vous pourrez reposer en paix »

Picabia, 1917



On est un jour de juillet 1928 et mon grand-père voyage à bord de l’Orient Express ; il se dirige vers Istambul après un court séjour à Vienne. Il est seul dans le wagon restaurant; il écrit un poème. Mon grand-père est alors obsédé par la notion védique de maya, le caractère illusoire du monde dans l'ancienne philosophie de l'Inde. Il semble que cette obsession lui ait inspiré ce mystérieux poème, Illusion. Il est écrit au verso d’un papier à l'entête de la Lloyd’s; le recto en est couvert de chiffres et caractères géorgiens et, détail anecdotique, le cercle brun d’une tasse de café marque du sceau de l'Accident toutes ces écritures. André Breton possédait ce document que Francis Picabia lui aurait vendu. Il fut racheté par l’Institut d'Economie Quantique en 2003.




Illusion

Ondulante Maya, trouble de ma vision,
Tu es le voile ultime et la douce illusion.
Je me noie bienheureux dans tes mers profondes
Hoquetant des soupirs, ballottés par les ondes.

Soudain, porté bien haut par une lame puissante
Je me réveille échoué sur la roche coupante
D’un étrange récif en forme de cafetière.
Et tremblant je songeais : "Ai-je rêvé, hier

Cette femme troublante qui m’avait bien juré
Ne jamais me revoir si je ne réparais
La machine à café, la source merveilleuse".

Ce bel engin chromé aux formes arrondies
Délivrait un nectar, une boisson savoureuse
Qui rendait leur tonus à nos nerfs alanguis.

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